Une tradition locale et familiale
Depuis le XVIe siècle, Vallauris développe une production céramique autour de la poterie culinaire ou terraille, qui devient au XVIIIe siècle l’activité principale de la ville. C’est au cours de ce siècle que le premier Massier, « maître potier à terre », apparaît : il s’agit de Pierre (1707 – 1748). Ses descendants continuent cette production jusqu’à Jacques (1806 – 1871) et Jérôme (1820 – 1916), arrières-petits-fils de Pierre, devenus « fabricants de poterie ». Leurs fils, respectivement Delphin (1836 – 1907) et Clément (1844 – 1917) pour Jacques et Jean-Baptiste (1850 – 1916) pour Jérôme, sont formés à cet artisanat.
De la poterie artisanale à la poterie d’art
Un tournant décisif va être impulsé avec l’arrivée, en 1859, de Gandolfi Gaetano dans la fabrique de Jacques. Ce potier italien va, pendant trois ans, initier la famille Massier, et notamment Clément, dont il est le « maître », à des techniques jusque-là inconnues dans la production vallaurienne : les moules en plâtre et surtout les techniques de décor en faïence émaillée. Dès lors, la fabrique de Jacques Massier commence à produire des pièces artistiques qui se distinguent de l’artisanat local.
A la mort de Jacques, en 1871, Delphin et Clément reprennent l’entreprise familiale et la font évoluer vers la production artistique exclusivement. Jean-Baptiste suit la même voie sous le nom de Jérôme Massier Fils. A la séparation des deux frères, en 1889, tous les trois sont à la tête de manufactures importantes.
- Clément Massier (1844 - 1917)
- Plaque
Fin XIXème siècle
Inv. 2007-2-2 (1)
© Claude Germain - Image art
Les innovations des Massier
Les Massier vont être novateurs à la fois dans le domaine artistique par leurs recherches dans les techniques anciennes : faïence émaillée, lustre métallique et dans le domaine commercial, en utilisant des moyens modernes comme la publicité, les catalogues de vente et les cartes postales pour attirer la clientèle nouvellement installée sur la Côte d’Azur : leurs pièces séduisent et décorent les nouvelles constructions de la Riviera. Ils créent, également, des points de vente au niveau national et international grâce aux nouveaux modes de transport comme le chemin de fer et à la modernisation du commerce maritime ; ils expédient leurs pièces à travers le monde et présentent les fruits de leurs recherches lors des expositions universelles et internationales qui se tiennent, en Europe et aux Etats-Unis, à intervalles réguliers ; ils y reçoivent de nombreuses récompenses dont la médaille d’or pour Clément en 1889, à l’Exposition Universelle de Paris. Enfin, leurs contacts avec les cours princières européennes, qui deviennent leurs clients, le monde artistique et littéraire leur donnent une notoriété internationale.
Par leur démarche artistique et leur esprit commercial, Delphin, Clément et Jérôme Fils, illustrent parfaitement cette fin du XIXe siècle où émerge et s’affirme la notion d’ « arts appliqués à l’industrie » qui deviendra les « Arts décoratifs ».
Leurs descendants directs perpétuent un temps leurs productions, notamment Jean, un des fils de Delphin. Mais peu à peu la production Massier, qui a ouvert la voie de la céramique artistique à Vallauris, décline et disparaît.
- Delphin Massier (1836 - 1907)
- Vase buire à anse en forme de femme
Fin XIXème siècle
Inv. 1996-9-1
© Emmanuel Valentin
Les collaborateurs
Les Massier, et en particulier Clément, ont fait appel à des collaborateurs de renom. Dès 1860, il invite le sculpteur écossais Alexandre Munroe et Optat Millet, céramiste décorateur formé à Sèvres, à dessiner des modèles pour l’atelier. La collaboration la plus significative est celle du peintre symboliste Lévy – Durhmer, qui sera directeur artistique de la fabrique de Clément, pendant huit ans, de 1887 à 1895.
Les Massier et les céramistes
Ils ont été un modèle de référence pour beaucoup d’artisans. A cette époque, de nombreux céramistes ont été formés dans les ateliers Massier à Vallauris et ont perpétué les techniques du lustre métallique et de la barbotine. Certains ont créé leur propre atelier, comme l’atelier BACS par Jean Barol (1873-1966), Marius Alexandre (1880-1959), Jean Carle, et François Sicard (1850-1942). D’autres partent s’installer à Fréjus comme Dominique Zumbo ( ? – 1939).
Partout en France et en Europe, d’autres ateliers vont s’inscrire dans ce renouveau : la société Cytère dans les Vosges, l’école florentine, Vilmos Zsolnay (1828-1900) à Pecs en Hongrie, et William de Morgan (1839 ?-1917) en Grande Bretagne.